Annecy

Ciné Archi 2025 : quand le cinéma révèle l’architecture, ses passions et ses tensions

Ciné Archi 2025 : quand le cinéma révèle l’architecture, ses passions et ses tensions

PUBLIE LE 20/11/2025 par La Rédaction - 71 vues

Les 20 et 21 novembre 2025, Annecy accueille la 26ᵉ édition des Rencontres internationales du film d’architecture, organisées par la Maison de l’Architecture de Haute-Savoie. Deux jours de projections, de débats et de découvertes au cinéma Le Mikado, avant un prolongement hors les murs à Frangy, Saint-Jorioz et Aix-les-Bains. Un rendez-vous devenu incontournable pour les passionnés d’images, d’urbanisme, d’histoire des lieux… et pour le grand public curieux de comprendre la ville autrement.

Un festival né d’une double passion

S’il en est aujourd’hui le président, José Villot rappelle qu’il n’est pas à l’origine du festival. « Je suis président depuis dix ans seulement [...] le festival est né de la passion très simple mais fortement ancrée chez quelques architectes locaux d’allier le cinéma et l’architecture », explique-t-il. Une intuition datant des années 2000, puis structurée grâce au réseau national des Maisons de l’Architecture, désormais au nombre de 34, qui a permis de fédérer bénévoles, architectes et salles partenaires. Une persévérance qui a porté ses fruits : « 26 ans après, on peut dire que c’est devenu pérenne, attendu et connu, au niveau local mais également national », souligne José Villot.

Une programmation qui embrasse tous les regards

La force du festival, depuis ses origines, tient dans sa volonté d’éviter un cinéma réservé aux spécialistes. « On ne veut pas proposer un festival architecto-architecturé entre architectes », affirme son président. Le programme 2025 en témoigne : documentaires, fictions, films expérimentaux, courts et moyens métrages se côtoient. On y parle d’écologie urbaine, de paysage, de mémoire, de matériaux, mais aussi d’humour, de danse et de corps en mouvement. « Le cinéma manipule les images comme l’architecte manipule des ambiances », rappelle José Villot, soulignant ce lien profond entre langage cinématographique et construction de l’espace.

Des coups de cœur qui racontent le monde

Parmi la vingtaine de films retenus, trois coups de cœur se distinguent.

Soviet Bus Stops — la créativité oubliée de l’ex-URSS

Inspiré du travail photographique de Christopher Herwig, ce film dévoile des abris-bus aussi extravagants qu’inattendus. « Il n’y a pas de petite architecture », insiste Villot : ces micro-structures racontent une période de liberté artistique insoupçonnée au sein d’un régime réputé austère. Ce même visuel illustre l’affiche 2025 du festival.

Appartement proche Paris, charme atypique

Présentée par sa réalisatrice Marion Angelosanto, cette comédie documentaire suit une copropriété en pleine rénovation, entre chantiers absurdes, dettes et entraide improbable. Un film « très bien réalisé, avec beaucoup d’humour », note Villot, qui « explore les péripéties de la coexistence » et a déjà été primé dans plusieurs festivals.

Marcher sur l’eau

Résultat d’une résidence menée à Annecy par Louiza et Théo, ce film de 35 à 40 minutes plonge dans l’histoire enfouie du quartier des Trois-Fontaines. On y parle d’eau disparue, de mémoire commune et de transformations urbaines. Une exploration poétique d’un territoire où les rivières ont été recouvertes, mais pas oubliées.

“Rule of Stone” : l’architecture comme enjeu politique

Le film qui clôturera l’édition 2025 s’annonce parmi les plus marquants : Rule of Stone, de Sabrina Rehaume, interroge l’usage idéologique de la pierre de Jérusalem dans la construction contemporaine de la ville.
Un sujet sensible, mais que l’équipe a choisi d’assumer. « On s’est dit qu’on le met […] parce que cela pose la question de la responsabilité, de la conscience de l’architecte », explique José Villot.

Le film montre comment ce matériau emblématique a servi à « simuler l’architecture palestinienne » et à inscrire une continuité historique mise au service d’un projet politique.

Une immersion de deux jours… et au-delà

Pendant deux jours au Mikado, les spectateurs découvriront également La Nave (sur les Vele de Scampia), Warsha, Architecture émotionnelle, Quel temps fera-t-il demain ?, ou encore le court métrage Lumières périphériques sur la frange urbaine parisienne.
Une exposition photographique d’Ullic Morard, “Lignes du temps”, accompagnera les projections, entre paysages australiens nocturnes et chantiers intimes en transformation

Le festival se poursuivra hors les murs :

Aix-les-Bains, Cinéma Victoria – 25 novembre
Frangy, Ciné-Bus – 25 novembre
Saint-Jorioz, Ciné Laudon – 27 novembre

Un rendez-vous aussi pour la profession

Si le grand public y trouve un accès sensible et accessible à l’architecture, l’événement attire aussi de nombreux architectes des départements voisins. « On ne pourra pas accueillir tout le monde », confie Villot, rappelant que certaines éditions ont dû refuser des spectateurs pour des raisons de sécurité.
Une preuve, s’il en fallait, que le cinéma d’architecture a trouvé son public.